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  • Photo du rédacteurAleksandra Kovacevic

Femmes copistes, Femmes enseignantes


Au XIXe siècle, à l’instar de leurs homologues masculins, de nombreuses femmes copistes s’engagent dans la voie de l’enseignement pour faire bénéficier le plus grand nombre de leur savoir-faire et font de la copie le fondement de l’apprentissage artistique.


L’enseignement, l’autre facette des femmes copistes

L’enseignement dans les ateliers devient au cours du XIXe siècle un véritable phénomène de société et fait partie intégrante de l’identité d’un ou une artiste. Que ce soit par goût personnel pour la transmission d’un savoir, pour percevoir un revenu supplémentaire ou pour s’engager en faveur de l’enseignement des jeunes filles, diriger un atelier et y enseigner est une voie que suivent certaines femmes copistes. La carrière de Cornélie-Louise Revest est à ce titre un témoignage exemplaire. Copiste professionnelle à partir des années 1840, elle s’est particulièrement illustrée dans la copie de tableaux religieux, commandés pour des églises, et dans la copie de portraits. Elle tient également un « atelier d’élèves et donne des leçons particulières de dessin et de peinture » (1). Ernestine Froidure de Pelleport dirige, quant à elle, dans les années 1880, une école de dessin dans le 2e arrondissement de Paris, 23 rue Tiquetonne. Subventionnée à partir du 1er octobre 1869, cette école dispense des cours de jour et des cours du soir et accueille près de 90 élèves (2).


Nelly Marandon de Montyel et l’Ecole nationale de dessin pour jeunes filles

Nelly Marandon de Montyel (fig.1) tient un rôle de premier plan. Peintre, miniaturiste et copiste, elle succède à Rosa Bonheur à la direction de l’Ecole nationale de dessin pour jeunes filles (aujourd’hui l’Ecole nationale des Arts décoratifs) dont elle sera à la tête pendant trente ans (1860-1890). Créée en 1803 à Paris par Mme Frère de Montizon, cette école dispense un enseignement gratuit pour les jeunes filles de douze à vingt-cinq ans, destiné à les former à la pratique du dessin industriel. Si la copie demeure une pratique essentielle pour peindre ou sculpter, elle l’est également dans le domaine des arts décoratifs. L’œuvre de Van Dyck tient une place importante en tant que modèle dans l’enseignement de Nelly Marandon de Montyel. D’après les archives du département de la chalcographie du musée du Louvre (3), entre 1864 et 1868, cette dernière fait plusieurs demandes de modèles pour ses élèves : 4 dessins (1864), des gravures (1866) et 18 portraits gravés d’après l’œuvre de Van Dyck (1869). Ce choix est sans doute lié à sa formation artistique en tant que copiste. En 1859, Nelly Marandon de Montyel, alors élève de Tony Robert-Fleury, avait en effet exposé au Salon six portraits en miniature dont un portrait d’homme d’après Van Dyck. Parmi ses élèves, on compte Fanny Caillé qui expose au Salon de 1865 La belle Jardinière, une copie sur porcelaine d’après le tableau de Raphaël du musée du Louvre. Son élève devient par la suite elle-même professeur de dessin et de peinture pour jeunes filles à Angers (4).


Mme Cavé et l’apprentissage du dessin

Au milieu XIXe siècle, l’enseignement du dessin et de la peinture se développe. Ce phénomène se traduit par la création de nombreux ateliers et de cours de dessin, comme celui de Mme Elisabeth Cavé (fig. 2), artiste et copiste renommée. En 1850, l’État lui commande en effet une copie de la Famille du peintre d’après Rubens pour 3000 F, ce qui est une somme considérable au regard des autres femmes copistes de son époque, qui reçoivent en moyenne 500 à 800 F pour la réalisation d’une copie, ou de certaines commandes de tableaux à des artistes, femmes et hommes confondus. La même année, elle ouvre un cours de dessin, 101 avenue des Champs-Elysées à Paris, d’après une annonce dans Le Constitutionnel (5). Elle y enseigne selon une méthode qu’elle a elle-même élaborée et publiée sous la forme d’un ouvrage : Le dessin sans maître. Méthode pour apprendre à dessiner de mémoire, dit la Méthode Cavé. (fig. 3) Cette méthode d’apprentissage du dessin est approuvée par de grandes figures telles Ingres, Vernet ou encore Delacroix qui publie à ce sujet un compte-rendu très élogieux dans La Revue des Deux mondes (ici). Pour permettre à ses élèves d’avoir

« l’œil juste», elle souhaite leur apprendre à dessiner de mémoire (d’abord à l’aide d’un calque), d’où découle, selon elle, l’originalité des grands maîtres :

« le modèle sera d’abord calqué, puis copié, puis reproduit de mémoire » (6) dit-elle. Une illustration de sa méthode est proposée dès le début de son ouvrage (fig. 4) (pour en savoir plus sur les étapes de la méthode). C’est, selon elle, le « vrai procédé pour inventer » (7).


Première couverture de l’ouvrage de Mme Cavé, intitulé Le Dessin sans maître. Méthode pour apprendre à dessiner de mémoire.
Fig. 3. Première couverture de l’ouvrage de Mme Cavé, Le Dessin sans maître. Méthode pour apprendre à dessiner de mémoire, édition 1850, conservé à la Bibliothèque nationale de France (© tous droits réservés)

Une femme copiste appliquant la méthode de dessin de Mme Cavé.
Fig. 4. Gravure représentant une femme appliquant la méthode Cavé, reproduite dans CAVE, Le Dessin sans maître. Méthode pour apprendre à dessiner de mémoire, édition 1850, conservé à la Bibliothèque nationale de France (© tous droits réservés).


Aleksandra Kovacevic


Notes


(1) GABET, Charles, Dictionnaire des artistes de l'école française, au XIXe siècle, Paris, Chez Madame Vergne, Librairie, 1851, p. 590.


(2) Conseil municipal de Paris, Rapport, 1883, p. 120-121.


(3) Archives nationales. Cotes: 20144778/55.


(4) HÜE, Albert (dir), La Revue normande : littéraire & artistique : organe mensuel de l'Académie normande, n°12, décembre 1887, n.p.


(5) Anonyme, "Le Dessin sans maître, dans Le Constitutionnel, n°335, 1er décembre 1850, n.p.


(6) CAVE, Marie-Elisabeth, Le Dessin sans maître, méthode pour apprendre à dessiner de mémoire, Paris : Susse frères, 1850, p. 12.


(7) ibid, p. 4.


Sources et bibliographie


Anonyme, "Le Dessin sans maître, dans Le Constitutionnel, n°335, 1er décembre 1850, n.p.


Archives nationales: Archives des musées nationaux, Département Chalcographie gravure, dessins et estampes du musée du Louvre (séries C, CG et CR), sous-dossier “Dons par l’Etat” (1860-1870), Cotes: 20144778/55.


BELIER DE LA CHAVIGNERIE, Emile, Dictionnaire générale des artistes de l'école française, 1882, p. 212.


CAVE, Marie-Elisabeth, Le Dessin sans maître, méthode pour apprendre à dessiner de mémoire, Paris : Susse frères, 1850.


Conseil municipal de Paris, Rapport, 1883, p. 120-121.

DACIER Emile, La Revue de l’art ancien et moderne, Paris, 31 rue Jean Goujon, janvier-mai 1930.


GABET, Charles, Dictionnaire des artistes de l'école française, au XIXe siècle, Paris, Chez Madame Vergne, Librairie, 1851, p. 589-590.


HÜE, Albert (dir), La Revue normande : littéraire & artistique : organe mensuel de l'Académie normande, n°12, décembre 1887, n.p.












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